La gestion des déchets est un domaine très important pour protéger la santé publique. Cela est particulièrement vrai dans les situations d’urgence et de crise humanitaire, car les services existants de collecte, de traitement et de mise en décharge sont souvent perturbés. De plus, la crise peut également avoir généré des déchets supplémentaires qui peuvent à leur tour impacter la santé publique. D’une part, les catastrophes et les conflits peuvent produire de grandes quantités de déchets dus à la démolition des bâtiments, des véhicules et d’équipements divers. D’autre part, les déplacements de personnes et la construction de nouveaux lieux de vie temporaires (comme les camps) nécessitent de mettre en place de nouveaux systèmes. Les déchets qui ne sont pas gérés attirent les insectes et les animaux vecteurs de maladies, comme les mouches, les rats ou d’autres animaux qui fouillent les ordures. Lorsqu’ils sont rejetés dans les canaux de drainage, les déchets entraînent des blocages, des inondations et des mares d’eau stagnante. Celles-ci sont source de reproduction des moustiques qui transmettent la malaria, la dengue et la fièvre jaune. On observe également souvent que les tas de déchets sont brûlés, ce qui qui peut également être nocif pour la santé si ceux-ci contiennent du plastique ou des produits chimiques. L’exposition des populations aux déchets dangereux comme les excreta (en raison de l’absence d’installations sanitaires), les déchets médicaux infectieux, les objets tranchants (aiguilles, verre) ou les produits chimiques toxiques constituent une autre menace directe pour la santé des populations. Le sol et l’eau, en contact avec les déchets sont très vite contaminés, entraînant la pollution des sols et nuisant ainsi à la sécurité alimentaire, aux ressources en eaux de surface et souterraines. Enfin, et c’est important, le fait de déverser sans discernement des déchets dans une zone habitée est peu attrayant et diminue la fierté des communautés.
Les déchets peuvent être définis au sens large comme tout produit ou matériau solide indésirable généré par des personnes ou des processus industriels et qui n’a aucune valeur pour celui qui s’en débarrasse. Les déchets sont également appelés «ordures» et «détritus». Avec la densification de l’habitat, les problèmes liés aux déchets deviennent de plus en plus importants. Les déchets municipaux ou les ordures ménagères désignent les déchets provenant des habitats et des activités économiques urbaines (maisons, magasins, bureaux, rues et lieux publics) et relèvent généralement de la responsabilité des autorités locales. L’ensemble des déchets produits en zone urbaine, comme les excreta lorsqu’il n’y a pas assez d’installations sanitaires ainsi que les déchets industriels ou de chantier, ne font pas partie des « ordures ménagères », mais il est important de s’en occuper car ils finissent également dans le flux des déchets municipaux. La gestion intégrée et durable des déchets [voir figure] prend en compte tous les éléments physiques du système de gestion des déchets, depuis leur production jusqu’au stockage en passant par la collecte, le transport, le recyclage, le traitement et la mise en décharge ultime. Elle comprend également la gouvernance et la stratégie, notamment la pérennité économique et financière, les aspects politiques, juridiques et institutionnels, et la participation de tous les acteurs (producteurs de déchets et consommateurs, prestataires de services de gestion des déchets et personnes ou organisations formelles ou informelles qui récupèrent les déchets, agences internationales, gouvernements locaux, régionaux et nationaux, société civile, organisations non-gouvernementales, etc.).
Pour mettre en place un service de collecte et de gestion des déchets efficace et pérenne, il est recommandé de considérer les tâches suivantes.
Planification/mise en œuvre de façon coordonnée et avec la participation de tous les acteurs concernés: La coordination entre les utilisateurs des services, les agences et autorités compétentes ainsi que les fournisseurs de services potentiels ou existants est essentielle au niveau de la planification et de la mise en œuvre qui doivent être effectuées avant que la gestion soit problématique et que les déchets deviennent un risque sanitaire majeur pour la population concernée.
Prise en compte des liens avec d’autres branches de l’assainissement: La mauvaise gestion des ordures peut entraîner toute une série de problèmes dans d’autres branches de l’assainissement. Les déchets peuvent boucher les canaux de drainage des eaux pluviales, créant ainsi des eaux stagnantes et des débordements qui entraînent l’inondation des rues et des maisons. Lorsqu’ils sont jetés dans les fosses des toilettes, les déchets rendent très difficile la vidange et créent des difficultés au niveau du traitement et de la valorisation ou du rejet des boues. L’impact de la gestion des déchets doit donc être pris en compte, en particulier lors des campagnes de sensibilisation.
Évaluation et caractérisation des déchets produits et analyse des pratiques: Tout programme de planification et de gestion des déchets doit démarrer en mesurant la quantité (en kg) de déchets produits et en identifiant leur type (organique, plastique, etc.). Cette évaluation concerne les déchets ménagers mais aussi les déchets dangereux (par exemple les déchets médicaux).
Prise en compte des produits d’hygiène menstruelle: Ceux-ci deviennent problématiques dès lors qu’ils ne sont pas gérés correctement. Ils peuvent par exemple boucher les toilettes, mais aussi être dangereux en raison de leur nature infectieuse. Étant donné qu’ils sont le plus souvent générés dans les toilettes, il faut absolument installer des poubelles avec un couvercle et en prévoir la gestion dans toutes les toilettes publiques. Il est également indispensable de diffuser une information claire sur la marche à suivre pour se débarrasser des produits d’hy-giène menstruelle en toute sécurité.
Promotion d’un environnement dans lequel on réduit ou on évite la production de déchets: Ceci peut se faire en évitant d’utiliser des matériaux non-essentiels, dangereux ou difficiles à manipuler (par exemple des sachets d’eau en plastique jetable, des matériaux à composants multiples, des solvants ou des bombes aérosols) pour éviter la production structurelle des déchets. Il faut également mettre en place des mesures pour inciter les utilisateurs de services à un changement de comportement afin de réduire la production de déchets.
Amélioration de la récupération, du recyclage et mise en œuvre du traitement: Les déchets doivent être considérés comme une ressource. L’amélioration du recyclage sur place (au niveau des ménages) ou hors site (au niveau du quartier ou du centre urbain) permet non seulement de réduire la nécessité (et les coûts) de la gestion des déchets résiduels, mais peut également offrir des possibilités d’emploi à la population locale et réduire la dépendance vis-à-vis des ressources extérieures. Pour stimuler le recyclage, la mise en œuvre du tri des déchets (le plus en amont possible) est une activité clé. Elle permet d’accroître la valeur des différents types de déchets et facilite le traitement ultérieur. On peut citer en exemple le compostage des déchets organiques pour obtenir des engrais, la digestion anaérobie pour produire de l’énergie, le recyclage des déchets de papier pour fabriquer des briquettes et du combustible ou encore le recyclage d’autres catégories de déchets (caoutchouc, plastique, métal) pour fabriquer de nouveaux produits à faible coût. Néanmoins, les technologies et les méthodes choisies doivent tenir compte de la demande du marché, pour les produits finis utilisant des déchets recyclés, et de la protection de la santé et de l’environnement. L’incinération de déchets mélangés n’est pas une bonne solution en raison de leur forte teneur en humidité. Par ailleurs, cette solution est coûteuse au niveau de l’investissement et de l’exploitation, car elle nécessite les compétences de personnel qualifié et entraîne de graves risques pour la santé des voies respiratoires et la contamination de l’environnement.
Mise en place d’un système de collecte et de transport: L’enlèvement des déchets dans les zones résidentielles évite leur accumulation, les risques de contact et d’exposition des habitants, l’attraction et la prolifération d’animaux vecteurs de maladies et l’incinération sauvage. Cette pratique est courante, mais entraîne de graves dangers pour la santé respiratoire. Il est conseillé de prendre en compte le potentiel de développement des petites entreprises et le secteur informel parfois très actif et pouvant être professionnalisé.
Instauration d’une gestion ultime sûre: Cette tâche comprend la sélection d’un site de valorisation et/ou de mise en décharge. Le site doit être choisi ou aménagé pour éviter toute contamination des eaux de surface et sou-terraines par les lixiviats. De plus, il doit être clôturé pour en empêcher l’accès aux populations et aux animaux. Un système de drainage doit également être mis en place autour du site pour éviter que les eaux de ruissellement s’y introduisent. La zone de déchargement des déchets doit être recouverte quotidiennement ou au moins une fois par semaine d’une fine couche de terre pour éviter d’attirer des vecteurs de maladie comme les mouches et les rongeurs.
Organisation de campagnes de nettoyage: En consultation avec la population et les autorités locales responsables, il y a lieu d’organiser le nettoyage périodique des espaces publics pour garantir un environnement hygiénique, mais aussi pour rappeler et relancer la notion de participation du public à la propreté des quartiers, en tant que devoir civil et responsabilité citoyenne.
Mise en place d’une gestion sans risque des déchets mé-dicaux: Les déchets médicaux peuvent exposer la population, le personnel soignant et les opérateurs à des risques d’infections, de toxicité et de blessures. Dans une situation d’urgence, certains déchets sont particulièrement dangereux comme les produits chimiques et les déchets infectieux (pansements, tissus tachés de sang, seringues et autres objets tranchants, etc.). Ceux-ci doivent être séparés à la source, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas être mélangés avec d’autres déchets comme le papier, les emballages plastiques ou les déchets alimentaires, en vue d’un traitement spécial (incinération ou confinement contrôlé).
Protection du personnel: Tous les travailleurs impliqués dans la gestion des déchets doivent être dotés de vêtements et d’équipements de protection individuelle. Si besoin est, il faut prévoir une vaccination contre le tétanos et l’hépatite B.
Mise en place d’une structure d’exploitation et de maintenance: Pour être pérenne, un plan d’exploitation des services de gestion des déchets doit tenir compte de l’acceptation sociale, de la viabilité financière, des compétences et des capacités des travailleurs ainsi que du cadre juridique et institutionnel. Les questions essentielles qui doivent être traitées sont notamment : qu’est-ce qui est demandé aux usagers du service et comment assurer leur implication ? Qui assure quel type de service ? Comment les services en question sont-ils contrôlés et évalués ? Comment couvrir les coûts de ce service à long terme ?
Dans les jours qui suivent une situation d’urgence ou une catastrophe, les conditions d’hygiène et d’élimination des déchets sont généralement mauvaises, ce qui peut mener à une propagation rapide de la vermine et d’autres nuisibles comme les rongeurs. La norme minimale du manuel Sphère pour la gestion des déchets stipule que l’environnement doit être exempt de déchets (y compris les déchets médicaux) et qu’il doit y avoir des moyens d’éliminer les déchets domestiques en toute sécurité. Tous les ménages doivent avoir accès à des conteneurs à ordures situés à moins de 100 m de fosses collectives, qui doivent être vidés deux fois par semaine. La capacité minimale de ces conteneurs doit être de 100 litres pour 10 ménages. Les déchets médicaux doivent être isolés et éliminés séparément et en toute sécurité. Une autre priorité consiste à enlever les débris et les déchets générés par la catastrophe, pour faciliter l’accès des services d’intervention d’urgence, le sauvetage des survivants, la récupération des cadavres et la résolution des problèmes urgents de santé publique et d’environnement. La gestion des déchets de catastrophes dépendra des types de déchets et de débris produits
Il convient de rapidement élaborer et mettre en œuvre des procédures de routine pour le stockage, la collecte et la mise en décharge. Cela est particulièrement important dans les sites densément peuplés, comme les camps de réfugiés. En dehors des camps et en zone urbaine, on essaiera d’utiliser les dispositifs nationaux et de les renforcer. À chaque fois que cela est possible, il est recommandé d’adopter une vision de développement à long terme, améliorant les solutions de recyclage et de valorisation, les compétences et les capacités techniques, l’autonomie financière et d’autres facteurs d’un système de gestion des déchets pérenne. La gestion d’un camp peut être abordée comme une zone urbaine, mais la gestion des déchets est une responsabilité conjointe entre les deux entités en charge de la gestion et de la coordination avec les secteurs de l’eau, de l’assainissement et de la santé.
UNEP (2015): Global Waste Management Outlook., Nairobi, Kenya
UNEP/OCHA Environment Unit (2011): Disaster Waste Management Guidelines., Geneva, Switzerland
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